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Les restes suprêmes

de Dorcy Rugamba en discussion avec Michel Bouffioux

19 Aug 2023


14:00 — 15:00


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Une discussion avec Dorcy Rugamba autour de son installation «Les restes suprêmes», œuvre plastique et performative sur les œuvres du patrimoine africain contenues dans les musées européens et Michel Bouffioux, journaliste d’investigation qui a révélé l’existence de collections coloniales de restes humains conservées par diverses institutions scientifiques belges. Le terme « Restes Suprêmes » englobe à la fois les restes d’une civilisation mais également des restes humains puisque bien souvent la spoliation du patrimoine africain est allée de pair avec une spoliation des corps. En Belgique, on estime à 30 000 restes humains sont conservées dans 56 collections (musées, universités, collections privées). 

« Les restes suprêmes », un théâtre initiatique

S’ils prenaient la parole, que nous diraient les masques africains exposés dans les Musées « ethnographiques » européens ? Dans les années 50, dans le film « Les statues meurent aussi » Chris Marker et Alain Renais posaient cette question qui résonne encore aujourd’hui « Pourquoi l’Art Nègre se trouve-t-il au Musée de l’Homme alors que « l’Art Grec » et Égyptien se trouvent au Louvre ? ». Restes suprêmes est l’histoire d’un jeune visiteur africain à l’AfricaMuseum, nouveau nom politiquement correct de l’ancien Musée royal de l’Afrique centrale à Tervuren. Il est alpagué par un masque Punu qui entreprend de l’initier et de le confronter à l’histoire douloureuse qui a enfanté ce lieu : il raconte les conquêtes brutales, les invasions, la soumission des corps et cette volonté forcenée de mieux les connaître pour mieux les dominer, qui mena à l’envoi d’ossements et de restes humains vers les laboratoires d’Europe. Une voix dérangeante qui retentit dans les couloirs des musées coloniaux…

Dorcy Rugamba est un metteur en scène, acteur et dramaturge rwandais, directeur artistique des Capitales africaines de la Culture et du centre « Rwanda Arts Initiative ». Formé au Conservatoire de Liège, il a aussi été initié aux arts de la scène dans la tradition rwandaise par son père, l’écrivain, chorégraphe et compositeur rwandais Cyprien Rugamba, assasiné avec une grande partie de sa famille au deuxième jour du génocide des Tutsi. Installé entre Bruxelles et Kigali, Dorcy Rugamba a coécrit en 1999 la pièce Rwanda 94 avec Jacques Delcuvellerie, travaillé avec différents metteurs en scène et chorégraphes comme Peter Brook, Rosa Gasquet ou Milo Rau… Il écrit et monte des pièces de théâtre, entre autres : « L’Instruction », pièce de Peter Weiss, « Planet Kigali » spectacle afrofuturiste, un opéra « Umurinzi », pour la cérémonie officielle des 25e commémorations du génocide des Tutsi, « Liberté » de Felwine Sarr présenté au festival d’Avignon puis à l’intime festival en 2020. Il crée pour la Biennale de Dakar en 2022 « Les Restes suprêmes », œuvre plastique et performative sur les œuvres du patrimoine africain contenues dans les musées européens.

Michel Bouffioux est diplômé de l’Université Libre de Bruxelles.  Journaliste  d’investigation, il s’intéresse à des dossiers sociétaux, historiques et judiciaires. Il a travaillé dans les rédactions de plusieurs quotidiens et hebdomadaires belges et fut notamment l’un des fondateurs de l’hebdomadaire « Le Journal du Mardi » en 1999. Depuis 2007, il fait partie de l’équipe rédactionnelle de Paris Match Belgique.

EXTRAIT

Le masque Punu

«  Il ne faut pas dire Nganga malheureux ! Nous ne sommes pas en Afrique ici, qu’est ce que tu crois ? Ce n’est pas parce qu’il y a des arbres exotiques et des éléphants empaillés que c’est l’Afrique.  Ici on ne dit pas Nganga, on dit sorcier car l’Afrique est une doctrine. Comme pour toute science exacte, il faut utiliser le bon terme sinon personne ne s’y retrouve. Tu comprends mon grand ? Il y a des mots savants forgés par des sachants, qu’il faut savoir articuler doctement. Le tout mis bout à bout finit par donner une idée de l’Afrique. Ainsi immuable,  acacia, harmattan, mystérieux, nuit, fièvre, beau, fier, infini, guerrier, troublant, crépuscule, rythme, vierge,  tam tam, tout ça ce sont des mots qu’il faut savoir assaisonner comme dans un plat pour faire Afrique… »

La rencontre est animée par Sabine Cessou, journaliste indépendante. Extrait lu par François Sauveur.